
Je divague. Je divague parce que je suis gênée. Chaque feuille est d’un vert différent, bien à elle. Alors, le vert feuille, je ne sais pas ce que c’est.
Les feuilles, en revanche, ça me connaît.
Les feuilles retraçant la disposition du jardin de mon enfance, scotchées dans un herbier de fortune, toute ma fortune, le nom des essences et le plan des plantations.
Les feuilles qui me fouettent le visage, gorgées d’eau, de neige, de rire, on s’ébroue au passage, mon cheval lâche un halo de vapeur blanche dans la lumière matinale. Plus tard, en osmose, je sais quand il penchera la tête vers ces feuilles qui l’appellent et m’appellent aussi, je sens ce qu’il choisit dans le même élan, je sais.
Je sens aussi le soutien des arbres qui se courbent et me portent le long de cette piste cyclable sablonneuse au bord de l’Atlantique. J’ai déjà 60 km dans les pattes, sans eux, j’aurais été découragée.