Les affres de la création
- Sandrine Cartier
- 8 avr.
- 2 min de lecture
Le feu peut être destructeur comme le sont les incendies (Au feu!), les passions ou la rage ardente décrite dans La vengeance du reptile. Il peut tout autant se faire feu intérieur (Un lien intime), désir, motivation, renaissance ou feu créateur qui dispense lumière et chaleur, énergie vitale.
Alors, qui est ce feu?
Un être cruel? Un danseur? Un conteur d'histoires anciennes?
Le feu me fait peur et c’est exactement pour cela que j’ai choisi ce thème. Les mots donnés ici en exemple, en guise d’introduction sont autant de barrières. Je suis fascinée, je ne bouge plus. Je suis fascinée comme on l’est par l’horreur. Je viens expurger quelque chose, quelque chose d’indicible et d’inattendu et toutes ces belles expressions (feu créateur, destructeur, renaissance, dévorante, étincelle etc..) me coupent la chique: elles sont foison, elles sont belles et je n’en ai pas d’autres à proposer. J’aurais peut-être pu proposer celles-ci mais maintenant qu’elles me sont données, je n’y ai plus droit et mon pauvre stock se vide, réduit à une peau de chagrin. Mes larmes éteignent en mon coeur ce feu nourricier, qui pourtant voulait s’essayer.
Le feu n’a que faire de mon humidité. Il lui faut de l’air pour l’attiser. Je sors donc faire un tour.
Je rentre galvanisée et j'écris Un souvenir d'une traite.
Nouvelle promenade et petit intermède: je lambine entre les rayons d’une librairie. Mon regard s’arrête sur un bouquin intitulé «J'emporterai le feu » et, juste à côté, Ambre Chalumeau est l’auteur d’un roman… Faut vraiment que je m’y mette.
Puisque l'univers conspire, motivée, je cherche dans mes souvenirs ante-reptiliens. Le feu, je le sais, n'a pas toujours existé. Comment est-il apparu sur Terre? Mathilde, ma fée plumette, m'envoie ces suggestions: Un dieu en colère l'a-t-il déchaîné? Un enfant curieux aurait-il volé une étincelle au soleil? Une créature mythique l'aurait-elle offert aux hommes?
C'est alors que monte cette réponse inattendue...
La toute première apparition du feu sur Terre? Ce feu-là? Ce petit feu, ce ridicule? Lui qui essaie de jouer les gros bras, de s’imposer? Il est apparu tout petit lui aussi, faut pas croire.
Au tout début, il n’y eut qu’une flammèche, une langue orangée et courbe, presque implorante. Eberluée de se trouver là, elle n’aurait jamais imaginé atterrir, seule, au creux de cette sombre vallée.
Je me souviens, crépitait-elle, je me souviens d’être magma, de me fondre en moi-même, de n’avoir ni début ni fin, d’avaler sans cesse mon propre corps de roche grise. Je me souviens de me nourrir de moi, rougeoyante et goulue, me dévorant et accouchant de moi à l’infini…
Pourtant, secouée d’un frisson, la Terre s’est ébrouée et, pour la première fois, a expulsé un peu de lave par l’une des cheminées traversant sa croûte.
Tourbillonnant dans les airs, trouant l’obscurité de sa lueur rousse, une flammèche minuscule à l’esprit d’aventure en est née, au creux de cette sombre vallée.
